Ambassade du beilan

L'arrivée d'une troupe "barbare" pouvait paraître étrange en ces lieux et pourtant... Les guerriers noirs et blancs étaient présents ici même, le seigneur et Baron de Tourage en avant de ceux ci. Vêtus de son habit traditionnel, il retira son heaume délaissant de longs cheveux attachés et enveloppés dans de fins tissus blancs et noirs. Puis il fit un signe de tête enjoint de respect à la Garde de l'Intendance...

Je viens à vous, pour représenter le Beilan au sein même d'Elderine la Blanche, capitale de la Grande Kandrasie, fief de son Eminence l'Intendant Aectelion Premier d'Istria Arkspel.

Je me nomme Elderan Kar, Baron de Tourage des Glacées, Ambassadeur du Beilan, et soldat du Roy Drehëran de Sombresource à Terredieu.

Il fit un geste de côté pour retirer son marteau attaché dans le dos et le donna à l'un de ses guerriers qui s'empressa de reprendre sa place aussitôt.

Elderan Kar avait une minne sombre et sa constitution faisait de lui un ambassadeur atypique... La regard toujours noir et les épaules larges pouvaient impressionner plus d'un seigneur peu accoutumé à voir un Kar de Tourage.

L'un des Taureaux de la garde pourpre, après un bref coup d'oeil à son compagnon s'avança de quelques pas pour se trouver à la hauteur de l'ambassadeur de Beila. Il faisait partie de la garde personnelle de l'intendance Kandrasienne et bénéficiait donc d'atouts physiques incomparables le faisant ressembler à un colosse dépassant de plusieurs pousses la taille moyenne des kandrasiens.

Cette garde d'élite avait été fondée par Cadenwarr Arksel le premier régent de la lignée actuelle et était destinée à un rôle de protection des différents corps diplomatiques que ce soit en territoire étranger ou au sein même de la Kandrasie.Leurinfluence était considérable et les conditions d'admission extrèmement strictes imposant une stature bien particulière autour de deux profils recherchés : celui d'épervier : vif, agile, habile aux armes de jet et de proximité et celui de taureau : taille élevée, musculature entretenue, experts au maniement de la masse d'Erelian et des lances kandrasiennes caractéristiques du savoir-faire ancestral du Royaume en ce domaine.

Secrètement impressionné de la discipline de l'escorte du Baron, le Garde Pourpre s'inclina devant le petit groupe à la mode kandrasienne ; les deux mains placées paume contre paume tandis que les deux derniers doigts se placent en position transversale au reste de la main.

"Messire je suis peu à l'aise dans les discours politiques et laisse cela à mes supérieurs ; sachez juste que nous sommes contents de voir le Beilan ouvrir ses frontières et accepter le dialogue. Nous devrions être relevés de notre garde d'ici quelques décimes et un gradé pourra vous prendre en charge à ce moment là.

Vous voulez ouvrir une ambassade dans ce territoire ?"

Les Touragiens voyaient en ces Taureaux de Kandrasie, les Touragiens du Beilan. Cette similitude partielle engendrait un respect mutuel souligné par les politesses des deux partis. Elderan avait observé la masse avec intérêt, voyant au premier coup d'oeil la bonne facture de l'arme.

Elderan Kar prit la parole après avoir fait un signe de convenance à la Garde Pourpre.

Vous êtes très respectueux...

Un Touragien derrière semblait être d'accord et le montrait de son regard étonné... Nombre de gens les auraient toisés de manière incongrue et pourtant ici il n'en était rien.

Nous sommes en effet ici pour ouvrir une permanence Beilanaise.

Je souhaite de même, si cela m'est possible, faire savoir à l'Intendant Aectelion que le Beilan lui est reconnaissant de son hospitalité lors de notre séjour à Elderine.

Les guerriers Touragiens dont les fourrures avaient laissées place à un tissus ample, noir et blanc barrant le corps de l'épaule à la hanche opposée, avaient toujours suivis Elderan depuis leur jeunesse. Ces fils de clan avaient été les guerriers proches du Kar depuis l'âge adulte...

Une petite troupe armée ariva sur ces entrefaites ; elle était composée d'un épervier en tête de six taureaux portant leurs habituels manteaux noirs ; ils marchaient selon un pas régulier formant un ensemble qui attirait toujours, à cette heure de relève de la garde les badauds et visiteurs divers qui aimaient à regarder l'un des symboles de la puissance et de l'honneur de la noblesse kandrasienne. Sans sembler faire attention au petit groupe beilanais, les membres de la garde pourpre réalisèrent leur relève de la garde selon un rituel savamment maîtrisé par l'épervier officier en chef de la petite troupe. Deux nouveaux taureaux se trouvaient maintenant de part et d'autre du panneau d'affichage au centre de la place tandis que celui qui s'était entretenu avec le Baron de Tourage, Migeal, se tenait aux côtés de son supérieur et lui glissaient quelques mots à l'oreille.

L'épervier fit un signe de tête à ses six hommes qui s'alignèrent de manière irréprochable selon le tracé de l'avenue. Il s'approcha du Beilanais cachant visiblement une certaine nervosité face à un homme qui le surpassait de près d'une tête :

"Messire ambassadeur, nous vous souhaitons la bienvenue en Kandrasie et à Elderine la cité blanche ; nous vous remercions de l'honneur que vous faites à notre territoire en vous rendant en personne pour ouvrir un établissement et étendre vos possessions territoriales à un petit espace au sein de notre capitale.

Si vous voulez bien me suivre, nous allons nous rendre auprès de votre ancienne ambassade tandis qu'un messager se déplacera au palais pour prévenir notre intendant de votre présence ; il me parait évident qu'il souhaitera vous rencontrer de lui-même et peut-être que vous pourriez visiter ensemble vos nouvelles possessions..."

Il fit un signe à trois taureaux qui s'éloignèrent aussitôt vers le palais du Mont Quel'Tan tandis que deux taureaux se positionnaient en garde d'honneur en arrière du petit groupe beilanais et que Migeal restait derrière l'épervier.

Elderan était impressionné par la troupe Kandrasienne. Elle était parfaitement synchronisée et disposait de guerriers robustes et impeccablement vêtus. L'épervier semblait sûr de lui et il était assez satisfaisant de voir le stoïcisme des soldats Kandrasiens face aux étrangers.

Je vous remercie.

Nous sommes honorés de tant d'attention. Nous vous suivrons volontier vers l'ancienne ambassade Beilanaise...

Le Baron de Tourage ne parla guère pendant le chemin vers le palais, posant plutôt quelques questions sur la culture Kandrasienne, en l'occurence sur le Panthéon et les Ordres. Les Touragiens marchèrent en rangs et dés lors qu'ils entamèrent la montée, ils se placèrent l'un derrière l'autre, inconsciemment, déroutant la garde d'honneur... Les habitudes ne changeaient jamais...

L'ancienne ambassade Beilanaise se trouvait près du palais à une des extrémités de la place de This au sommet d'une assez longue montée jouxtant des bâtisses empersoises et ciranaises. Le petit groupe se trouva très rapidement près d'un espace en ruines dont la splendeur architecturale passée peinait à ressortir de ces vestiges noircis par un incendie durant les Sombres Nuits.

Un mur d'enceinte réalisé en Onix était troué en plusieurs points et présentait un trou béant de quelques mètres de large là où autrefois devait se trouver l'entrée ouverte sur les jardins de l'ambassade ; les taureaux abandonnèrent près de ce trou béant les visiteurs beilanais qui suivirent l'épervier parmis un dédale de ronces, hautes herbes et vieilles statues renversées parsemant d'embûches l'ancienne Allée du Roy. Devant la bâtisse qui veanit visiblement depuis quelques minutes d'être décadenassée se tenait un petit groupe de personnes élégamment vêtues qui devaient constituer une partie de la cour de l'intendant ; on y retrouvait le prêtre Meradec qui tenait les fonctions de Patriarche, le vieux général Daerok et quelques têtes moins connues, courtisans de longue date de l'intendant Aectelion Premier. Les tenues qui ceignaient les personens présentes auriaent pu faire penser à un étranger non averti à un carnaval tant chacun rivalisait dans la proportion à user de rubans, broches, pierres précieuses voire même pour un habitué des salons mondains un chapeau de plumes plutôt ridicule.

Un quinquagénaire portant un épais bandeau entourant la tête et masquant une oreille sortit du petit groupe un sourire aux lèvres ; il fit un bref signe vers ses courtisans qui s'éloignèrent d'un bon pas vers le palais du Mont Quel'Tan en saluant le baron de Tourages au passage.

"Messire ambassadeur, nous sommes flattés de votre présence en nos murs, vous êtes bien évidemment le bienvenu. Souhaitez vous queqlues rafraichissements avant que nous ne nous lancions à l'aventure ? Je tiens à vous prévenir que la poussière qui semble régner à l'intérieur risque de marquer à vie la tenue que vous portez, il serait regrettable de perdre un si bel manteau.

Je ne puis hélas vous préciser l'état de la bâtisse, nous avons préféré vous attendre, après tout nous sommes au Beilan sur ce petit espace..."

Il poussa un profond rire dont l'écho venant de l'intérieur de la bâtisse parvint jusqu'à eux comme un ricannement à vous glacer le sang et fit signe à Migael et à l'épervier de s'éloigner de quelques pas :

"Laissez donc vos hommes se reposer, ils doivent en avoir bien besoin, nous ne srons que trop de deux pour explorer vos possessions."

La vue de l'ambassade Beilanaise avait de quoi susciter des questions quant aux responsabilités respectives passées sur cette minuscule bande de terre allouée au royaume de l'Elbre.

Il semblait que la venue ait été préparée avec soin et les Touragiens pouvaient distinguer d'après le degré de couleur vestimentaire que leur présence était très honorée.

Les Touragiens saluèrent, à la suite du Baron, le comité présent et tous furent étonnés de voir que de l'Onyx avait été transporté jusqu'à ces terres si éloignées...

Elderan Kar désigna ses hommes pour les rafraîchissements puis s’inclina devant le quinquagénaire…

Messire, Intendant Aectelion d'Istria Arkspel,

Je m’incline devant Vous et l’honneur que Vous faites au Beilan de Vous déplacer en personne pour visiter les ruines d’un modeste établissement.

Je ne peux que Vous remercier de Votre générosité et Votre hospitalité de ces derniers jours. Ces joutes ont été pour nous, Touragiens et Beilanais, une expérience unique d’humilité et d’apprentissage de Votre culture fascinante et majestueuse dans les termes qu’ils conviennent de la désigner.

Je ne puis que présenter mes plates excuses pour l’absence du Roy Drehëran de Sombresource dont les affaires internes au Royaume de l’Elbre l'empêchent de venir partager la visite de l’ancienne ambassade avec Votre Personne. Je ferais office, dans de bien moindres qualités, de voix du Beilan.


Le Baron de Tourage remercia d’un signe de tête les hautes instances Kandrasiennes présentes et afficha un sourire imperceptible devant la proposition de l’intendant de visiter à deux les ruines poussiéreuses de l’ambassade du Beilan de la Grande Blanche et accepta. Les Touragiens restèrent regroupés devant l’entrée le regard fasciné par les rues dallées et les bâtisses, certes en ruines, mais toutefois imposantes, de l’ancienne Allée Royale.

L'intendant Aectelion dégrapha son manteau et le lança négligemment sur les restes d'une statue représentant une femme, ornée uniquement de ses atouts emprunts dune magnifique féminité ; il tourna son visage rajeuni par l'escapade vers la bâtisse et laissa dériver son regard sur les colonnes encadrant l'ancienne porte en Diospyros signée par un ancien ébéniste qui exerçait autrefois dans le quartier des artisans à Elderine. Les âges ne parvenaient pas encore à effacer l'admirable travail de ses hommes d'art qui étaient parvenus à transporter sur de telles distances une part de l'âme et des magnificiences de Beila.

"Nous comprenons très bien l'absence de votre Roy étant nous-mêmes trop souvent retenus par nos fonctions à la Cité Blanche ; il n'ets plus bon pour les voyages d'être intendant de nos jours. J'en viens parfois à envier nos ambassadeurs qui voyagent de par Retrahant au gré des nécessités diplomatiques : peut-être vos chaînes sont-elles plus libres que les nôtres, je ne sais.

Tant que nous en sommes à parler diplomatie ; une question me taraude, Baron, quelle opinion portez vous sur la relation qui semble lier mon neveu à une de vos compatriotes ; Baronne du delta ?

Tout en continuant de parler il s'inclina devant son invité en lui indiquant de le précéder dans la bâtisse.

Le Baron Kar avait une certaine fascination pour cet intendant. Fort, sage, fier, vif, il dégageait une image de puissance physique et incarnait toute la majesté culturelle de la contrée Kandrasienne. Nombres d’hivers avaient façonné cet homme qui était devenu le pilier d’Elderine la Blanche, le meneur d’un peuple dont la civilisation avancée perpétrait les valeurs de l’honneur et du respect. Il acquiesça face à l’Intendant, le Roy Drehëran comme tous intendants ou Roy n’avaient que trop peu de temps de nos jours pour des déplacements. Il expliqua que le Roy du Beilan devait sûrement disposer des mêmes contraintes que l’Intendant de la Kandrasie et qu’il se voyait contraint de compter sur ses sujets pour le suppléer dans la tâche diplomatique ou plutôt les déplacements à l’étranger.

Il entama donc d’entrer dans le dédale des ruines de cette ancienne ambassade. Les pierres éparses sur le sol semblait avoir appartenue autrefois à de jolies colombages enfoncés par un quelconque bélier… Un buste de femme gisait à terre, les membres estropiés et la tête attaquée au marteau. Après toutes ces années, l’on pouvait ressentir, derrière la poussière, cette senteur toute particulière du Beilan… La pierre, le bois… Une architecture et une sensation qui rappelait de manière conséquente un havre Beilanais au sein de la capitale Kandrasienne. Etrange que cette parcelle de terre protégée par d’épais murs d’Onyx flanqués par d’épais étais en Belte. Le bois Kandrasien avait été utilisé, à la vas vite semblait t’il, pour renforcer les murs et les soutenir contre d’éventuels chocs.

Elderan Kar s’approcha d’un pilier sous un patio aménagé dans les jardins abandonnés de l’ambassade. Les ronces avaient pris possession du terrain et l’on voyait quelques massifs de fleurs perdurer dans d’épais buissons de mauvaises herbes. Il déganta sa main et toucha la pierre froide malgré les températures saisonnières caniculaires pour un homme des Glacées. La texture de la pierre était caractéristique et l’on pouvait sentir le travail d’antan de cette pierre si noire. Un travail titanesque... Il s'en étonna.

Il répondit à l’Intendant Aectelion en regardant, autour de lui, les ruines de cette ambassade, qui devait être et qui était toujours une vraie villa fortifiée magnifiquement, dessinée pour éblouir et être admirée.

Dame Baronne Enimia Sidh de l’Îlot de la Perfidie…

Son visage s’attrista imperceptiblement quand il se remémora les pertes dramatiques de cette famille.

Dame Sidh est une Dame et une Baronne importante dans le Royaume de l’Elbre. Sa volonté et sa sagesse font du Delta une contrée commerciale très prospère mais aussi une puissance montante en matière de forces armées. Le changement sied à ceux qui s’en donnent les moyens. Dame Enimia Sidh est une de ces Baronne qui ne baissent pas les bras devant la difficulté, la diversité ou la défaite…

« L’amour est un danger pour certains et pour d’autres, il est le fruit qui détruit l’hypocrisie. »

Il semblerait que certains seigneurs préfèrent un mariage entre Kandrasiens pour éviter que le Delta ne s'immisce pas dans les affaires d’Elderine. Je pense comprendre ce point de vue…

Pourtant, le Prince souhaite se marier avec une Beilanaise… Je mesure les impacts que cela peut impliquer.

Cette relation entre votre neveu et Dame Sidh est sincère et je conçois les réticences respectives… Il y a derrière la sincérité bien plus en jeu, êtes vous prêt à accepter cette relation Intendant ?

Elderan Kar regarda des oiseaux voler en groupe au dessus d'eux et revint progressivement vers l'Intendant... Il n'y avait aucuns bruits ici...

Le vieil intendant s'adossa quelques instants contre un pilier décharné tenant on ne sait comment debout malgré ces longues années de disette domestique. De plus en plus souvent des pointes de fatigue l'assaillaient et il se savait au crépuscule d'une longue vie labyrinthe de choix plus ou moins bons, pris au gré des circonstances. Aujourd'hui il était las de sans cesse devoir mettre en jeu des destinées, de sans cesse se projeter dans les futurs innombrables des trames de l'univers. Il avait souvent cru en la paix, en l'amour et en l'honneur et son rêve, de voir Elderine la Blanche briller de mille feux ne se réaliserait pas de son vivant. Certes depuis deux décennies on ne relevait guère de conflits en Retrahant mais guère non plus d'échanges entre les peuples. Les murs de la capitale de Kandrasie tout comme les couloirs d'Ephyne ne résonnaient pas des chausses de gentes dames Beilanaises, ne colportaient pas les ragots et bouffoneries de la cour d'Osmad et nulle part on n'entendait de jeunes orcumiens chamailler leurs géniteurs pour rejoindre les jeux de leurs amis empersois. Un rêve rien qu'un rêve perpétuellement repoussé par les fiertés déplacées de seigneurs rancunniers et volontiers irrévérencieux. Il poussa un long soupir pour se tourner vers le Baron Beilanais :

"Messire Baron, jai vécu des périls bien plus grands que le mariage d'un neveu mais jamais je n'avais eu jusqu'ici à mettre en balance mes choix de vie, mon désir de rendre mon sang heureux avec le respect de mon rôle. Une quelconque beilanaise parvenue ne doit pas faire main basse sur notre famille et la régence de notre royaume mais j'aime mon neveu ; il es l'aîné de notre famille dans la prochaine génération et il sera mon héritier à ma mort aussi suis-je tout aussi soucieux de son bonheur.

Je ne vous cacherai pas les conseils de mon frère Orlyan et de son fils Jiorla qui seraient prêts à mettre leur vie en jeu pour sauver la pureté de notre sang mais eux aussi respectent notre famille et les décisions de l'aîné qu'à mon grand regret je continue d'incarner.Cette décision est difficile à prendre tant les influences de la part de ma famille, de mon gouverment sont fortes et les conséquences de ce choix importantes. Un concensus semble néanmoins avoir été trouvé parmis mes différents conseillers et malgré mes réticences quant à ce procédé je me dois de répondre à la fois aux attentes de mon peuple et aux désirs de mon neveu aussi une nouvelle constitution en kandrasie est en cours de rédaction donnant la primauté du pouvoir au sang et non à l'alliance et il n'y manque plus que mon aval ainsi que celui de mon neveu."

Il se détourna de son interlocuteur respirant bruyamment sous l'effort de cette tirade pour reprendre son souffle. Le silence qui s'installa entre les deux diplomates semblait s'éternisait entrecoupé des cris des oiseaux et des bruits lointains de la ville quand Aectelion premier prit de nouveau la parole :

"Le mariage aura lieu dans une année au printemps prochain conformément à la tradition kandrasienne et s'il sied aux marriés alors ce mariage sera aussi béni conformément aux coutumes de la mariée à Elderine à la même date. Tout Retrahant sera convié à cette cérémonie et j'enverrai personnellement une missive aux grandes familles de notre monde. J'ai parlé.

Pour l'heure l'esprit de fête se doit d'être préservé avant tout et je ferai mon possible pour élever le mariage de mon neveu au rang qu'il mérite dans la mémoire des présents comme la plus grande cérémonie jamais réalisée depuis les Sombres Nuits."

Il porta son regard sur les différents restes d'un monument Beilanais et souleva une petite statue délicatement la posant sur le surmontoir étonnament préservé des dommages du temps et réflétant une blancheur immaculée au travers d'ornementations fines et précises ayant probablement exigé une patience infinie de son créateur. S'approchant d'un mur abattu par un orage voici quelques cent ans il sortit de son habit une pierre ademine portant ses initiales enroulées autour d'un dragon tel le sceau de la famille d'Istria Arkspel. Il la posa doucement sur le mur portant ainsi symboliquement sa pierre à l'édifice.

Elderan fit un signe de tête respectueux...

L'Intendant d'Elderine la Blanche a parlé...

Il est clair que la tourmente des successions devait peser chaque jour sur ses épaules. Les dessins familiaux étaient souvent imprévisibles.

L'ambassade venait d'être honorée du sceau de l'Intendance comme la tradition le voulait.

Elderan Kar savait qu'il devrait rester plusieurs mois pour bâtir et apprendre de la Kandrasie... L'ambassade du Beilan reprendrait sa place dans la capitale et il ferait en sorte que la décision d'Aectelion soit la bonne. Un mariage dans un an... Des liaisons fortes se crééent, la Kandrasie et le Beilan avaient beaucoup à y gagner.

Tourage resterait à Elderine quoiqu'il advienne...

Il s'avança vers le dirigeant de la vaste et puissante Kandrasie et s'inclina...

La Kandrasie honore le Beilan par cet acte. Je veillerais moi même à ce que cette parcelle de terre resplendisse autant qu'Elderine elle même...

Le vieil intendant hélas plus aussi alerte qu'autrefois et fortement diminué par les joutes retranes d'Elderine, s'assit sur une statue renversée qui avait perdu depuis de nombreuses années le combat pour protéger sa nudité contre les mauvaises herbes et plantes grimpantes qui avaient déjà fait le siège de la plupart des murs de l'ambassade. Il souleva et écarta discrètement un voile de lierre enserrant le visage autrefois séduisant d'une femme et se perdit dans ses pensées.

Il avait souvent effleuré le désir de créer une nouvelle Ephyne, de reprendre le flambeau de la capitale multiculturelle que connaissaient ses ancêtres. Une place laissée vide par les différents occupants d'Ephyne la Belle qui s'échinaient plus à se créer de belles et grandes armées qu'à rapprocher les peuples du monde. Après tant d'années passées sur cette terre, il n'avait lui-même jamais rencontré la plupart des dirigeants de ce monde et ce n'était pas faute pourtant d'avoir multiplié les rapprochements. Mais les temps n'étaient plus à l'expansion culturelle, à l'enrichissement commun. On ne connaissait rien par exemple des coutumes d'orcum ou de la Gramée et les images que nous en avions dataient de celles de nos ancêtres, de leurs rancoeurs aujourd'hui vétustes. Il était temps qu'il laisse sa place à la nouvelle génération, qu'il rejoigne sa femme Sterilia dans la demeure de ses ancêtres et que les vieux rabougris, trop sérieux et trop moralisateurs, quittent les rênes du pouvoir en ce monde.

"Messire ambassadeur, je n'avais point souvenir que votre peuple s'avérait être aussi patient et respectueux de leurs aînés ; pardonnez ma lenteur et mes absences mais comprenez que désormais je savoure ces moments de silence et de d'agréable compagnie ; je n'ai plus guère le temps de m'attarder sur des instants de repos et de méditation tant le pouvoir se doit d'être harcelé pour rester vif et efficace.

N'y avait-il point une église, ou un lieu saint, autrefois en ces murs ? Je ne crois pas hélas que Gaëd soit bien représenté ici depuis l'intendant Shaados mais notre famille, à travers ma soeur Jehana semble se rapprocher de Gaëd et en garde, non une adhésion mais plutôt une bienveillante tolérance qui ne peut que faciliter votre intégration à Elderine.

Peut-être qu'en ces murs, en territoire beilanais, votre Dieu parviendrait à s'exprimer plus facilement qu'en nos temples."

Les mots de l'Intendant étaient sincères et l'on pouvait voir une grande sérénité dans son regard, mais aussi de la fatigue et une envie perceptible de vouloir profiter du calme ambiant…

Les jardins autrefois resplendissants avaient toujours un charme paisible et sans aucunes gênes, il était agréable de voir un tel lieu harmoniser ruines et végétations sauvages au sein de la grande cité blanche.

L’Intendant aborda le sujet d’un temple Gaedien…

Le visage du Baron se crispa imperceptiblement et, imitant l’Intendant, il ramassa un morceau de pierre qu’il scruta pour trouver les mots appropriés…

Vous avez raison Intendant…

Il me semble qu’un temple gisait ici même… Ces colonnades et ces statues semblent avoir appartenu à un bâtiment de petite taille et à l’architecture très ancienne des temples des contrées chaudes du Beilan. Plus un lieu de recueillement je dirais…

Je suis sûr que les Beilanais sauront heureux de disposer d’une telle bâtisse à nouveau. Gaed est bien sûr le Dieu de la plupart des Beilanais…

Elderan Kar caressa la pierre brute.
Un silence reposant subjuguait l’ambiance des lieux et Elderan se permit de s’asseoir sur un muret d’onyx alors que tous deux appréciaient de trouver un havre de paix dans un monde emplis de responsabilités…

Un étranger aurait trouver la scène atypique : Un Intendant Kandrasien richement vêtu et un barbare Beilanais assis au sein de ruines d’Onyx, de Diospyros et de végétations grimpantes…

Elderine disposait de bien de secrets…